Exposition Le peintre français est au Metropolitan Museum of Art jusqu’au 27 août 2006 |
Girodet : le romantique rebelle |
La fougue du romantisme alliée à la grandeur du néoclassicisme, voici la clé de l’œuvre d’Anne-Louis Girodet-Trioson, à qui le Metropolitan Museum of Art consacre en ce moment une grande rétrospective. Élève de Jaques-Louis David de 1784 à 1790, il s’astreint dans un premier temps à imiter son style néoclassique qui domine la scène parisienne d’alors. Mais ne pouvant plus refouler ses pulsions créatrices et sa soif d’exaltation du sentiment, il finit par se révolter, et brise les chaînes de la rigueur inculquée par son tuteur. Cette libération aux accents romantiques lui valut de son vivant une consécration sans égal, puisque l’élève dépasse même le maître avec son chef-d’œuvre Scène du déluge, qui est élue meilleure peinture historique en 1810 face à l’Enlèvement des Sabines réalisé par son aîné. Hélas, cette reconnaissance éphémère sera éclipsée par la postérité au profit du grand David.
Princes mamelouks et sultans enrubannés se pavanent dans la galerie de portraits rassemblés par le Met, tandis que des divinités celtes accueillent les âmes des héros français dans un monde baigné de mythes, de symboles et d’allégories dans la série consacrée aux légendes celtiques. Le romantisme prend forme et se manifeste dans ce goût pour l’orientalisme et cette ferveur dédiée à l’imaginaire collectif, le tout agencé selon les seules lois logiques de l’esprit fécond de l’artiste. Une invitation donc à faire triompher le sentiment contre la raison, à s’ouvrir au mystère et au fantastique, à explorer le morbide et le sublime, l’exotisme et le passé idéal. Même lorsque Girodet garde de son maître l’influence néoclassique, ses œuvres en acquièrent une dimension supérieure, majestueuse. La réalisation des corps et des drapés en constitue une parfaite illustration, et l’on constate que dans un sursaut classique, il ne peut se délester du fameux profil grec, directement hérité de la grande civilisation hellénistique, et qu’on retrouve tout au long de l’échantillon exposé au Met. Virginie POLO DE BEAULIEU |