CHANSON Charles Aznavour revient aux États-Unis pour une ultime tournée d’adieux
|
Aznavour : la biographie de référence |
Longtemps, Charles Aznavour disait n’avoir guère envie d’être biographié, à moins que ce ne soit par lui-même. Il a donc publié en 2004 Le Temps des avants (Flammarion, 353 p., 20 Euro), livre de souvenirs traversant une vie et une carrière exceptionnelles, mais qui ne contentait peut-être pas les fans désireux d’un livre de référence. Le voici maintenant, Charles Aznavour ou le destin apprivoisé, biographie détaillée et précise, nourrie par une belle enquête dans les archives et un grand nombre d’entretiens avec témoins et proches du chanteur. Alors qu’un Musée Aznavour doit bientôt ouvrir en Arménie, le chanteur voit sa vie, sa carrière et son oeuvre décortiquées en plus de 600 pages menées avec souffle et générosité. Le chantier a été commencé par Marc Robine, hélas brutalement disparu en août 2003, et repris par Daniel Pantchenko, également journaliste du trimestriel Chorus-Les Cahiers de la chanson, appartenance qui a mis en confiance le chanteur – ” Avec eux, je n’avais aucune raison de me méfier ! “. Tout est là, en effet, à commencer par une plongée dans les racines familiales de Charles, Varinag Aznavourian, né le 22 mai 1924 à Paris VI e : le peuple arménien éparpillé sur les routes du monde après des dizaines d’années de persécutions et le génocide déclenché par les autorités turques en avril 1915, la France hospitalière, la vie de débrouille, d’ambition et de ferveur des exilés qui veulent se faire une vie nouvelle. L’enquête historique est étonnante, notamment lorsque la destinée des Aznavourian croise Manoukian – oui, le Manoukian de l'” Affiche rouge “, qui apprendra le jeu d’échecs à Charles. ” On me dit qu’il y a dans son livre ce qu’il n’y a pas dans le mien. Moi, j’étais beaucoup plus pudique “, nous a dit Charles Aznavour à propos de cette biographie. En effet, le récit de Pantchenko détaille les interminables débuts d’un chanteur entré dès l’enfance dans le monde du spectacle, mais qui mettra des années à conquérir sa place, renommée et bonne fortune. Récit des années dures, des rebuffades d’Édith Piaf aux jugements abrupts de la critique, des doutes de professionnels aux décrets arbitraires du public. Aujourd’hui, Aznavour relativise la dureté de ce temps-là : ” Cela fait soixante-treize ans que je fais ce métier. Même si j’avais passé la moitié à galérer, ce n’est pas la mer à boire. Si j’ai une écriture profonde, grave, fouillée, cela vient de là. Rien n’a été futile dans ma carrière. ” Travailleur opiniâtre, il mène plusieurs carrières de front, dans la chanson et dans le cinéma, en France et à l’étranger, comme interprète et comme auteur-compositeur pour d’autres… Comme le dit Patachou à Daniel Pantchenko : ” Modestie jamais, humilité toujours. ” Et, si brillante que soit son oeuvre, Aznavour professe toujours la discipline du travail et du doute : ” Avoir des facilités est le plus dangereux dans ce métier. Il faut toujours revenir, revenir, revenir sur ses chansons jusqu’à l’enregistrement. ” Bertrand DICALE |