RÉCOMPENSE: Wendelin Werner, de l’université d’Orsay, est l’un des quatre lauréats de la médaille Fields en 2006, le Nobel des maths.
Les maths françaises encore à l’honneur. Les médailles Fields, considérées comme les Nobel des mathématiques, ont été décernées à Madrid par le roi Juan Carlos d’Espagne lors de la journée d’ouverture du Congrès international des mathématiques.
Cette année, quatre mathématiciens ont été récompensés, dont l’ultrafavori, le Russe Gregori Perelman, qui a brillamment résolu une conjecture énoncée en 1904 par Henri Poincaré (nos éditions d’hier), ainsi qu’un Français, Wendelin Werner, un Australien, Terence Tao, et un autre Russe, Andrei Okounkov.
Comme les spécialistes s’y attendaient, Gregori Perelman, une personnalité réservée et allergique aux honneurs, a refusé la récompense. Il n’a pas daigné se rendre à Madrid, et a passé la journée à regarder la télévision à son domicile de Saint-Pétersbourg, selon l’AFP, qui précise par ailleurs que le savant russe devrait expliquer son refus “dans quelques mois”.
Les trois autres lauréats, eux aussi âgés de moins de 40 ans, comme le stipulent les règles de la médaille imaginée par le mathématicien canadien John Charles Fields, ont reçu leur récompense des mains du roi Juan Carlos d’Espagne. La médaille Fields est accompagnée d’une récompense de 15 000 dollars canadiens (10 500 euros), bien plus modeste que le Nobel (environ un million d’euros par discipline).
Wendelin Werner, 38 ans, né en Allemagne et naturalisé français à l’âge de 9 ans, est professeur à l’université de Paris-Sud à Orsay ainsi qu’à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris. ” C’est une bonne chose pour la discipline des probabilités “, a déclaré hier ce spécialiste de la théorie des probabilités appliquée à la physique statistique pour l’étude de phénomènes aléatoires. Les probabilités sont un domaine dans lequel les Français excellent particulièrement.
Terence Tao, jeune Australien de 31 ans, né de parents chinois, professeur à l’université de Californie à Los Angeles, est considéré par ses pairs comme un ” petit génie “. Petit à cause de son âge et non à cause de ses travaux, dont le nombre, la qualité et la variété sont impressionnants. ” Il a résolu en quelques années une dizaine de grands problèmes d’analyse que personne ne savait résoudre, note Jean-Pierre Bourguignon, directeur de l’Institut des hautes études scientifiques (IHES, Bures-sur-Yvette). Il aurait déjà pu recevoir la médaille il y a quatre ans, lors du congrès de Pékin. ”
La récompense d’Andrei Okounkov, 37 ans, enseignant à l’université de Princeton, représente un intéressant signe d’ouverture de la part du comité Fields, puisque ses travaux ont eu une influence particulièrement importante sur la physique théorique, plus que sur les mathématiques fondamentales.
Quatre ans après Laurent Lafforgue, en 2002, la récompense de Wendelin Werner ” témoigne une nouvelle fois de la grande qualité de l’école mathématique française “, a déclaré hier le président Jacques Chirac dans ” ses très vives félicitations “, transmises au jeune mathématicien. Autre signe de cette bonne santé, sur les vingt conférenciers inscrits aux séances plénières du Congrès international des mathématiques, qui se tient tous les quatre ans et qui réunit cette année 5 000 spécialistes à Madrid, ” trois sont français alors que des pays comme l’Allemagne, la Russie ou l’Angleterre n’en ont aucun “, a remarqué Jean-Pierre Bourguignon dans une interview au journal du CNRS. ” Tous les indicateurs, que ce soient les publications, les récompenses, et particulièrement les médailles Fields, montrent que la France arrive au 2 e rang mondial, parfois au premier dans certaines disciplines, derrière les États-Unis “, précise Yvon Maday, directeur du laboratoire Jacques-Louis Lions, de l’université Pierre et Marie Curie, à Paris.
Les raisons de ce haut niveau en mathématiques en France ? Pour Marie-Françoise Roy, présidente de la Société mathématique de France et professeur à l’université de Rennes, ” c’est une tradition qui se perpétue avec succès. Notamment grâce à une grande rigueur dans la politique de recrutement des laboratoires, qui vont chercher les meilleurs à l’extérieur “. Autre point fort français remarqué par tous, même s’il fait parfois grincer des dents à certains, à cause de son utilisation comme outil de sélection : l’importance des mathématiques dans l’enseignement secondaire.
Enfin, et ce n’est pas si courant dans la recherche française, les mathématiques pures et les mathématiques appliquées – en plein essor pour des domaines aussi variés que les nouvelles technologies, les sciences du vivant et la médecine – arrivent à bien travailler ensemble.