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par Jenny Batlay

PROUSTITES, OTITE, MENINGITE

CC BY by <a href=httpwwwflickrcompeopletomhilton target= blank rel=nofollow noopener>Tom Hilton<a>

Les œuvres sur Proust, on le sait, ne cessent de se multiplier. Certains disent que l'”industrie Proust” ferait vivre plus de monde que les usines Renault–non pas aujourd’hui mais à l’apogée de son succès entrepreneurial.

Parmi l’étalage du marché, une œuvre un peu différente de Jacques Géraud, nommée Proustites, aux éditions P.O.L. (75F), serait peut-être passée inaperçue de ce coté de l’Atlantique, s’il n’en était de la récente visite au FRENCH INSTITUTE/ALLIANCE FRANÇAISE de New York du célèbre acteur Xavier Brière qui a brillamment interprété solo une dizaine de chapitres de cet ouvrage (20 février 1997, 20h).

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New York French Institute
En français, le suffixe “ite” est associé à des noms de maladie : otite, amygdalite, péritonite, appendicite, méningite ; ces maladies sont des inflammations ou infections d’organes, telles les amygdales, les méninges ; “ite” a donc des connotations péjoratif (dans l’inconscient collectif) ; “ite” se retrouve aussi dans “petite” ; c’est un suffixe diminuant, amoindrissant. PROUSTITES, serait-ce une maladie, une névrose obsessionnelle par exemple ?

Parmi les “proustiens”, certains ont applaudi Proustites de tout coeur. D’autres ont prêté une écoute moins enthousiaste à ce nouveau mot, Proustites, situé à la jonction du nom commun et du nom propre ; en faisant travailler le signifiant dont le suffixe amoindrissant semble transformer le nom de Proust en maladie inflammatoire, on craindrait bien voir diminuer celui qui est considéré par certains comme l’un (le) plus important écrivain de notre siècle (Il n’en est en fait rien, car Proust est Proust restera Proust, Proustites ou pas). Continuant la dérive sur le “ite”, on trouve “parasite”, cet hôte indésirable médicalement ou socialement parlant ; et encore “réussite” que d’aucuns se hâteraient à tort de nous imposer ici pour réfuter notre hypothèse sur le suffixe diminutif “ite” ; le terme de “réussite implique bien qu’il y a eu une “montée”, un “arrivisme”, peut-être une fortune acquise rapidement, ou un succès de mode, l’engouement commercial passage pour quelque produit, tout cela ne signifiant que trop que l’on n’est pas né dans l’aisance, la culture, le patrimoine respectable ; en France, le concept de “réussite” bien qu’apparemment mélioratif peut aussi ne pas l’être, possédant un, je ne sais quoi de suspect. Il est bien moins flatteur, dans notre culture, de “réussir” que d’être “bien né”. Dans la Recherche du Temps Perdu, Mme Verdurin est celle qui réussit ; dans Mme Bovary, c’est Homais. Quant au terme de “dynamite”, exprimant une forme de destruction catégorique, il n’a aucun charme pour l’amateur de mots. “Proustite” est-ce un parasite de la Recherche, vivant de son sang ? est-il écrit dans le but–hypocrite, tel le lecteur de Baudelaire–de calquer sa “réussite” sur celle du grand homme, de calculer bassement en misant sur la cote dont jouit Proust ? Ou simplement, s’il s’avérait que Proust “rend fou” pour de bon, le symptôme de la “proustite” serait, non, de se prendre pour Proust, mais de se mettre à écrire comme lui ? Symptôme plutôt bienvenu, maladie salutaire, on aimerait l’attraper.

L’apparition de PROUSTITES à l’horizon littéraire saturé de recherches académiques sur Proust, de Société des Amis de Proust, de Proustian scholars, est-elle tombée comme un cheveu sur la soupe, ou plutôt comme la manifestation d’une forme d’opportunisme commercial ? Mais non. Chaque grand homme qui a fait école se voit imité, répété. PROUSTITES, pastiche ou subtile variation onirique sur certains thèmes proustiens privilégiés–les jeux de mots et les sous-entendus glissant de la grand-mère à Mémé–est-elle une excroissance de l’école Proust, si école il y a ? C’est une nouvelle branche au tronc de l’arbre, prouvant combien il est vivant, un hommage de plus au bien-aimé, coup de chapeau à l’idole, a brain-teaser. On n’émule, n’imite que ce qu’on adore. Voilà peut-être l’amorce d’un nouveau genre littéraire peut-être, comme le Mittérandisme, oui, le proustisme. (le suffixe “isme”est mélioratif, rimant avec purisme, Gaullisme, pluralisme, socialisme, communisme, fascisme, idéalisme). Tout idéalisme a droit de cité dans notre société démocratique, pas besoin d’intellectuels pour nous le dire, nous le savions déjà).

Parmi les commentaires sur PROUSTITES, retenons ce qu’en dit Pierre-Louis Rey dans Le Magazine Littéraire :“Proust rend fou. On s’en persuadera à lire Proustites dans lequel “ma grand-mère revient comme une obsession…associé(e) au fil d’un étrange délire verbal… Fantasme, divagation… extraordinaire prolifération de bizarreries nées du cerveau d’un amoureux de la RECHERCHE.” Est-ce à dire que Jacques Géraud, suivi de près de Xavier Brière, serait un obsessionnel? Dire que “Proust rend fou” est une défense un peu faible pour qui commettrait un crime, fut-il passionnel. S’agirait-il ici du crime littéraire euphémiquement nommé “pastiche”, pour l’innocenter, mais qui ne serait en fait autre que vulgaire plagiat ? Proust lui-même nous a enseigné qu’il ne faut pas chercher à” imiter” les grandes œuvres, mais qu’elles doivent susciter en nous le désir de faire sa propre découverte, de trouver sa propre voix (voie). Proust avait déjà dit TOUT ce qu’il avait à dire sur la grand-mère, sur Mémé. L’ellipse, la litote font également partie de son style, mais d’un style qu’ un critique américain a qualifié de “too much of muchness”. Au risque de passer pour un béotien, on se demande si un “encore” à ce “muchness” n’est pas légèrement superflu… mais de ce superflu, qui, comme le luxe, nous est nécessaire.

La soirée Xavier Brière au FLORENCE GOULD AUDITORIUM fut merveilleuse, comme d’ailleurs tout ce que l’on a le bonheur de voir, de vivre, dans cette espèce de temple de la Francophilie à New York. Cet excellent acteur nous a tenu en suspens d’un geste, au détour d’une pose, à travers une de ses inquiétantes expressions–regards traversé de nuages, visage-écran qu’on aurait voulu peindre : dans certaines de ses envolées figées, il semblait poser pour la fresque d’un artiste pas encore né–le temps perdu rejoignant alors d’un bond le temps a venir. C’est alors qu’il n’imitait plus Proust, que “Proustites” diminuaient jusqu’à disparaitre, et que surgissait sur scène, tel le retour du refoulé sur la scène freudienne, le véritable Xavier Brière, agile à soudain fuir de l’avant-scène, comme loin des regards. C’est alors qu’il attirait magiquement vers lui nos soifs d’illusions et de désastres, illusions qui seules nous permettent d’aliéner la routine et le désespoir. Un public hypnotisé par Proustite, insolite.

Jenny Batlay

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