Par Gladys Um
Le Guérillero
Imaginez-vous, mes frangins
une clairière dans la jungle
derrière le rideau de brume
Le poète insurgé
sous l’abri du palmier
au flacon débouché
d’alcool absinthé
Merveilleux oubli
ô mon seul ami
que je me livre à tes bras
Mais les vapeurs d’antisepsie
qui montent de la bouteille
se confondent à la narine
à la mémoire des démembrés
L’embuscade
le tonnerre de fusillade
éclatent des grenades
et tout ce paysage
coloré de grenadine
Le camarade languissant
dans sa cellule on lui défend
son livre à dessin
Son art est son délit
Son destin est son dessein
Sur la blanche page il voit
la lueur des mondes fantasques
Sur la toile de son rêve il peint
le pays de duvet flottant en haut
la volée d’une nuée d’oiseaux
la tricouleur du crépuscule
Il se demande s’il se réveillera
à l’aurore dans l’au-delà
Comment faire pour détrôner
ce monarque fantoche ?
Et ce régime qui règne aux armes
que l’on fournit de l’étranger ?
Le jour saignant du coup d’état
notre poète est devenu renégat
L’homme au masque noir de guérilla
s’il meurt, saurez-vous pourquoi ?
Gladys Um, Harvard University, Class of 1998