Le plus grand événement cycliste jamais organisé.
Le Tour de France est l’événement cycliste le plus important au monde, avec le plus grand nombre de téléspectateurs de toutes les compétitions sportives. 3,5 milliards de téléspectateurs, soit près de la moitié de la population mondiale, regarderont une partie du Tour de France 2023. Elle est née de la rivalité entre deux journaux sportifs, Le Vélo et L’Auto, et de la division en France autour de l’affaire Dreyfus.
À la fin du XIXe siècle, le quotidien Le Vélo, tiré à 300 000 exemplaires, détient le monopole de la presse spécialisée dans le sport. Son rédacteur en chef, Pierre Giffard, associe son journal à ses engagements personnels et prend position dans les colonnes de son quotidien en faveur du capitaine Dreyfus, ce qui mécontente les industriels du cycle et de l’automobile, majoritairement antidreyfusards, qui financent son journal par la publicité.
En juin 1899, Jules-Albert de Dion, homme politique d’extrême droite antidreyfusard, cofondateur industriel de la société automobile De Dion-Bouton et pionnier de l’industrie, est condamné à quinze jours de prison pour sa participation à une bagarre provoquée par des antidreyfusards, au lendemain de l’annulation de la condamnation du capitaine Dreyfus, lors d’une réunion publique en présence du président de la République, Émile Loubet.
Pierre Giffard critique publiquement l’orientation politique du comte de Dion. Il demande sa démission de la présidence de l’Automobile Club de France. Un conflit entre les deux hommes s’ensuit, qui conduit Pierre Giffard à ne plus autoriser la référence aux voitures De Dion-Bouton dans les pages de son journal. Le comte de Dion prend alors ses distances avec Pierre Giffard et décide de créer son propre journal. Soutenu par d’autres fabricants de cycles et d’automobiles, dont Adolphe Clément, Édouard Michelin et le baron Étienne van Zuylen van Nyevelt, président de l’Automobile Club de France, qui sont également motivés par les tarifs publicitaires élevés pratiqués par Pierre Giffard.
Ils ont nommé Henri Desgrange directeur de ce nouveau journal. Desgrange était un ancien cycliste professionnel et le détenteur du premier record de l’heure de l’Union cycliste internationale (sans entraîneur), un exploit qu’il a réalisé en 1893 en parcourant une distance de 35,325 km en 60 minutes. Il était également un spécialiste de la presse sportive puisqu’il a été directeur du défunt quotidien Paris-Vélo. et la rubrique cycliste et automobile du journal L’Outsider.
Lancé le 16 octobre 1900, à l’occasion de l’Exposition universelle et des Jeux olympiques de Paris, le quotidien L’Auto-Vélo est publié sur papier jaune, contrairement au journal Le Vélo, imprimé sur papier vert. Henri Desgrange profite de sa fonction de rédacteur en chef pour affirmer son soutien à ses bienfaiteurs de l’industrie automobile et cycliste tout en restant politiquement neutre.
En 1902, Giffard intente un procès à L’Auto-Vélo, s’estimant lésé par la présence de Vélo dans le titre du journal. Ne pouvant plus contenir le mot, le journal est rebaptisé L’Auto à partir du 16 janvier 1903.
Henri Desgrange craignait que les lecteurs passionnés de cyclisme ne se détournent de son quotidien.
Lors d’une conférence de rédaction le 20 novembre 1902, suivie d’un déjeuner à la brasserie parisienne Le Zimmer, le journaliste Géo Lefèvre propose une course cycliste autour de la France. D’abord sceptique, Henri Desgrange approuve finalement le projet et convainc Victor Goddet, le trésorier du journal, qui aurait remis les clés du coffre-fort de l’entreprise en disant « prenez ce dont vous avez besoin ». Le 19 janvier 1903, L’Auto annonce en première page la création du Tour de France, « la plus grande épreuve cycliste jamais organisée ».
Initialement prévu entre le 31 mai et le 5 juillet, l’événement se déroulait en six étapes, à l’image des rencontres sur piste de six jours qui étaient populaires à l’époque.
Seuls 15 concurrents s’étant inscrits, Desgrange a reprogrammé l’événement pour qu’il se déroule entre le 1er et le 19 juillet. Le droit d’entrée est réduit de moitié, à 10 francs (environ 36 euros aujourd’hui), et des jours de repos sont prévus.
Les cyclistes avaient des vélos à roue arrière fixe équipés de moyeux à bascule. Il s’agissait d’un pignon de chaque côté, permettant d’enlever la roue et de la retourner pour obtenir un rapport de vitesse différent.
Les engrenages étaient brevetés depuis 30 ans avant le premier Tour de France, mais Desgrange désapprouvait leur utilisation. En fait, ce n’est qu’en 1937 qu’il a autorisé tous les coureurs à utiliser des Dérailleurs. Jusqu’alors, ils ne pouvaient être utilisés que par les participants de la catégorie isolé (indépendant).
Pour freiner sur un vélo à roue fixe, il fallait exercer une pression sur les pédales. Pour descendre en roue libre, il fallait retirer complètement les pieds des pédales.
Les concurrents devaient fournir et transporter leur propre nourriture, leurs pièces de rechange et leurs outils. Pourtant, Desgrange aurait offert aux 50 premiers coureurs une indemnité de cinq francs (18 euros aujourd’hui) par étape pour la nourriture.
La longueur totale du parcours en 1903 était de 2 428 km, ce qui en fait le deuxième parcours le plus court de l’histoire du Tour (le plus court étant celui de 1904, avec 2 420 km).
mais les étapes individuelles ont été éprouvantes
L’étape 1, de Paris à Lyon, était de 467 km ; l’étape 2, de Lyon à Marseille, de 374 km ; l’étape 3, de Marseille à Toulouse, de 423 km ; l’étape 4, de Toulouse à Bordeaux, de 268 km ; l’étape 5, de Bordeaux à Nantes, de 425 km ; et la dernière, l’étape 6, de Nantes à Paris, de 471 km.
L’étape la plus longue du Tour 2023 est de 209 km.
Le prix de 20 000 francs (73 000 €) a été réparti entre les étapes et le classement général. Les coureurs qui ne terminaient pas une étape pouvaient participer à la suivante et étaient toujours éligibles pour le classement général, contrairement aux règles d’aujourd’hui.