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Dom Juan à Manhattan

Il s’agit de Molière. Le titre est correctement orthographié. Il n’y a pas de Dons dans Dom Juan à Manhattan.

Un soir, dans un bistrot français tranquille du West Village, je l’ai surpris en train de dessiner sur une serviette de bar, passant le temps pendant une période creuse de ses fonctions de barman. J’ai demandé à voir. Il s’est empressé d’abîmer la serviette et de la jeter comme un écolier pris en flagrant délit. Mais je l’ai emporté et lui ai arraché le dessin. Il s’agissait d’une caricature habile de deux jeunes femmes assises à l’autre bout du bar, légèrement obscène, très drôle. Ce fut aussi le début d’une relation qui s’est traduite par des dîners et des séances de boisson occasionnels, mais qui m’a surtout fait découvrir un tout nouveau monde théâtral, celui de la comédie franco-américaine, gaullo-anglaise.

Robert peut aussi jouer la comédie. Et diriger. Et écrire.

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En discutant au bar ce premier soir, je n’ai pas été surpris d’apprendre que Robert, comme la grande majorité des barmans et serveuses bavards des restaurants de Manhattan, est également acteur. Seulement, Robert n’est pas un acteur néophyte, ni un aspirant rêveur qui attend l’appel d’Hollywood. Robert est un véritable acteur, bilingue de surcroît, avec un épais CV de crédits sérieux comprenant des rôles majeurs au Théâtre du Soleil à Paris et des ateliers d’enseignement dans tout le monde occidental. Mais ce n’est pas ainsi qu’il l’explique. Il est bien trop modeste. J’ai appris tout cela plus tard, lorsque je l’ai vu travailler à sa véritable vocation, la scène.

Ce qui m’amène plus ou moins à l’essentiel. Une remarquable production de Dom Juan de Molière sera montée au minuscule Nada Theater sur Ludlow Street dans l’East Village en septembre. Aucun francophile qui se respecte ne voudra manquer ce spectacle.

Avant que vous ne vous mettiez à voir des images de pièces de moralité du XVIIe siècle qui n’en finissent pas, prônant les valeurs de chasteté, de frugalité et de tout le reste, détendez-vous. Il ne s’agit pas d’un Dom Juan ordinaire. Tout d’abord, l’action se déroule dans le Manhattan contemporain et comprend même un bref séjour dans les Hamptons. De plus, la pièce n’est pas jouée en français. Ni en anglais. Au lieu de cela, elle se faufile entre les deux langues, avec une légère préférence pour la langue locale. Mais surtout, c’est l’idée de mon ami Robert, ce qui signifie qu’elle est absolument hilarante depuis le reportage télévisé qui ouvre la pièce jusqu’au dénouement dans la rue à l’extérieur du théâtre.

Il s’agit d’un théâtre de guérilla au sens propre du terme. Il est inventif, courageux, intensément immédiat et même participatif à l’occasion. Le théâtre lui-même, pour ceux d’entre vous qui n’y sont pas encore allés, est un sous-sol dans une maison brune. Il peut accueillir une cinquantaine de personnes et est aussi intime qu’un espace théâtral peut l’être. Avant le début de la représentation, en buvant le vin fourni par le théâtre, vous vous rendez compte que les acteurs eux-mêmes sont parmi vous. Et avant même que vous ne vous en rendiez compte, la pièce commence, et vous en faites partie !

Dom juan Graffitti Robertcandraw

Les quatorze acteurs sont tous bilingues, pour la plupart des Français expatriés. Et bien que la production soit manifestement trop petite pour récompenser les acteurs avec des salaires dignes de Broadway, il s’agit d’une remarquable collection d’interprètes. Il n’y a aucun maillon faible, aucune incursion d’amateurisme maladroit, personne qui ne puisse assumer le fardeau du bilinguisme. Jean Brassard, un jeune Québécois vivant à New York et travaillant, croyez-le ou non, comme commentateur pour la couverture télévisée internationale de la World Wrestling Federation, dans de nombreux feuilletons télévisés et dans de nombreuses productions off-Broadway, est remarquable dans le rôle de Dom Juan lui-même.

Mais c’est Sgnanarelle qui volera votre cœur. Dans le rôle du majordome de Dom Juan, il est un faisceau d’obéissance, d’esprit vif et de lâcheté, se prosternant devant son maître et offrant au public un flot constant d’aparté à faire dresser les sourcils. Il m’a fait rire aux éclats. Et vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’il est joué par nul autre que mon ami Robert.

La production a été montée au début de l’année en deux parties, séparées par environ un mois de répétitions. Elle a connu un énorme succès en peu de temps. À tel point que Nada a invité Artaban (la compagnie théâtrale dirigée par mon ancien ami barman Robert Gourp) à mettre en scène l’intégralité de la pièce pendant un mois, du 9 septembre au 2 octobre 1996, avec des représentations les lundis, mardis et mercredis soirs.

Pour ceux d’entre vous que l’idée d’un spectacle bilingue pourrait rebuter, n’ayez pas peur. Comme le suggère le programme, « la question à se poser n’est pas de savoir si chaque mot a été compris, mais si chaque émotion et chaque intention l’ont été. La force de cette pièce réside dans sa capacité à transcender la langue et la culture ». Jamais un programme n’a été aussi précis.

Vous allez rire à gorge déployée.

N’oubliez pas qu’il s’agit de Molière. Le titre est correctement orthographié. Il n’y a pas de Dons dans Dom Juan.

 

Mise à jour

Nada, fondée sous le nom de Theater Club Funambules et plus tard connue sous le nom de Todo con Nada, était une compagnie théâtrale de Manhattan qui a présenté des œuvres expérimentales pendant douze ans, jusqu’à sa fermeture en novembre 2000. La compagnie a été expulsée de son espace de Ludlow Street en novembre 2000 pour non-paiement des arriérés de loyer.

Robert Gourp est rentré en France et travaille depuis janvier 2020 à un montage de textes poétiques de Baudelaire, Rostand, Victor Hugo, Lecomte De Lisle… entrecoupés d’extraits d’autres textes de Serge Valletti.

Comme beaucoup d’autres, touchés par la crise sanitaire, il réfléchit à la manière de poursuivre la mission de son association Artaban et continue de travailler à la reprise de son activité.

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